Depuis 2004, les chômeurs indemnisés par l’ONEM subissent déjà un contrôle de la disponibilité à chercher activement un emploi (ou contrôle dispo dans le cadre de l’ « activation des chômeurs ») mieux connu sous le vocable « chasse aux chômeurs » qui en traduit bien la philosophie générale.
Depuis 2012, le gouvernement Di Rupo via la ministre flamande Monica De Coninck (sp.a ) a changé la loi pour créer un contrôle dispo spécifique aux « jeunes » allocataires d’insertion. En fait, la réforme de l’allocation d’attente transformée en – pseudo – insertion est plus profonde que cela, mais ici nous ne verrons que le volet contrôle dispo. Si jeune est mis entre guillemets, c’est que beaucoup d’allocataires d’insertion ne sont plus si jeunes que ça, car ils sont restés à leur niveau d’entrée au chômage faute d’avoir eu un salaire suffisamment élevé ou un temps plein assez longtemps pour « monter » en chômage sur base du travail.
Il concerne 49.198 sans emploi en stage d’insertion (sans revenu du chômage encore). Néanmoins plus de 90.000 sans emploi sont concernés en tout car certains sont en transition du contrôle dispo “normal” à la nouvelle procédure “dispo jeune” car ils percevaient déjà l’allocation d’insertion avant la nouvelle procédure.
Les parastataux régionaux de l’emploi et de la formation professionnelle ne s’étant pas mis d’accord pour mettre en oeuvre le nouveau contrôle « dispo jeune », qui implique de convoquer le chercheur d’emploi à une cadence folle: tous les 6 mois, l’ONEM a bien été obligé de gérer lui-même son nouveau dispositif de « chasse aux chômeurs » (c’est ainsi que les militants chômeurs appellent cette procédure).
Rappelons tout de même une évidence (aux esprits pollués par les lieux communs) : un emploi ne se créé pas par l’honneur du saint esprit ou parce que le chômeur le cherche activement ! Pourquoi ne pas forcer les chômeurs à prier Saint Antoine tant qu’on y est !
La nouvelle procédure est lancée
Les jeunes inscrits comme demandeur d’emploi à ACTIRIS/FOREM/ADG/VDAB en août 2012 ont reçu le premier courrier de l’ONEM les informant de la nouvelle procédure à suivre.
Tout travailleur, sans emploi ou à temps partiel, peut prétendre – s’il remplit les conditions – à l’allocation d’insertion. Mais celle-ci n’est payée qu’après un stage d’insertion qui dure 12 mois (une période sans revenu hormis les allocations familiales et dans certains cas, le revenu d’intégration sociale, RIS, du CPAS).
Souvent le chômeur ignore que son allocation n’est pas l’allocation de chômage « classique », celle sur base du travail, mais bien une allocation qu’il obtient parce qu’il entre dans les conditions d’études et de diplômes.
Ainsi beaucoup de femmes qui travaillent depuis toujours à temps partiel ignorent être restées dans le régime de l’allocation d’insertion, les conditions sont plus exigeantes pour bénéficier de l’allocation de chômage sur base du travail.
Contrôle « dispo jeune », qui est concerné ?
- Le jeune qui perçoit une allocation de chômage sur base des études ou allocation d’insertion depuis au moins 6 mois ;
- Le travailleur à temps partiel qui perçoit le complément de chômage (ou allocation de garantie de revenu, AGR) au niveau de l’allocation d’insertion, depuis 6 mois au moins ;
- Les chômeurs en allocation d’insertion qui travaillent via les ALE (sauf ceux qui prestent 180 heures et ont une inaptitude à 33% reconnue par le médecin de l’ONEM).
- Les allocataires d’insertion qui étaient dans le contrôle dispo « classique » avant la réforme passeront progressivement au contrôle « dispo jeune ».
Qui n’est pas concerné ?
Si vous êtes sous dispense spécifique, vous ne devrez pas vous soumettre au contrôle dispo pendant la période couverte par la dispense comme :
- Dispense pour raisons sociale et familiale ;
- Formation professionnelle ;
- Formation à une profession d’indépendant ;
- Reprises d’études de plein exercice ;
- Autres formations reconnues par le Directeur du bureau de chômage ONEM ;
- Dispense enseignement (en juillet et août) ;
- Coopérant demandeur d’emploi ;
- Coopérant parti à l’étranger ;
- Cumuler 180 heures en ALE et 33% d’inaptitudes reconnues par un médecin de l’ONEM ;
- Travailler en ALE sous statut Agent de Prévention et Sécurité (APS) ;
- Renoncer 6 mois à votre droit aux allocations d’insertion ;
Dans tous les cas de figure, l’ONEM d’abord puis votre organisme de paiement (syndicat – service chômage ou CAPAC) vous informent dès que vous êtes concernés par courrier.
Il est utile de prendre contact avec le service chômage ou le service disponibilité de votre syndicat pour comprendre quelles sont les bonnes démarches voire demander un soutien à votre syndicat pour préparer tout entretien à l’ONEM et y être accompagné à chaque contrôle dispo. Le syndicat fait bien plus que juste payer vos allocations, il vous défend aussi face à l’ONEM comme face à un employeur et pour introduire un recours, si nécessaire.
Chercher un emploi est obligatoire pendant le stage d’insertion aussi
Pendant que s’écoule le stage d’insertion de 12 mois, le jeune est soumis à l’obligation de rechercher un emploi activement, il s’est donc inscrit auprès d’un service régional de l’emploi et de la formation professionnelle comme ACTIRIS (Bruxelles), FOREM (Wallonie) , et l’ADG (Communauté germanophone) ou VDAB (Flandre). Même si vous ne touchez encore aucune allocation de chômage de l’ONEM, il faut postuler aux offres d’emploi obligatoires que vous donnent les services de l’emploi régionaux (même si l’emploi ne vous convient pas ou que vous ne convenez pas au profil décrit car ce que l’ONEM comme le FOREM/ACTIRIS recherchent, c’est avant tout de la soumission à leurs procédures écrites, pas de l’efficacité dans la recherche d’emploi). La preuve de votre soumission à la procédure écrite est une mesure purement bureaucratique de votre bon vouloir à chercher un emploi.
Vous devez rester disponible à l’emploi même si l’emploi lui est indisponible pour vous.
1ère étape : la lettre d’information
C’est pendant le stage d’insertion de 12 mois que l’ONEM informe le futur bénéficiaire d’allocation d’insertion de l’obligation pour le chômeur de se soumettre à la procédure de contrôle « dispo jeune ».
Travailler à temps partiel ne vous dispense pas de chercher un emploi à temps plein. L’ONEM ne vise pas que les chômeurs à temps plein, mais tous ceux qui pourraient bénéficier d’une allocation de chômage, même partielle. Travailler en intérim régulièrement ne suffit pas non plus.
La lettre d’information est envoyée par l’ONEM au travailleur sans emploi ou à temps partiel, cette lettre contient notamment des explications :
- sur les démarches attendues ;
- sur les droits et obligations ;
- sur la manière de conserver les preuves.
NB : L’ONEM veut des preuves de recherches qui permettent une vérification si nécessaire : C.V. avec copie de la lettre de motivation et du courriel envoyé ou de l’enveloppe timbrée avec l’adresse de l’employeur, carnet de contacts téléphoniques avec les dates et heures et numéros des employeurs contactés.
2e étape : par courrier ou entretien à l’ONEM – au choix
L’ONEM écrit à nouveau au jeune une fois qu’il perçoit des allocations de chômage dites d’insertion et ce depuis 6 mois au moins pour lui proposer :
- Soit de renvoyer par écrit les preuves de recherches d’emploi des 6 derniers mois
- Soit de demander à l’ONEM un rendez-vous pour un entretien
Ici vous avez le choix de remplir le document joint avec les informations relatives à votre recherche d’emploi, et d’y joindre les copies de tout, ou de choisir le rendez-vous à l’ONEM, accompagné de la personne de votre choix.
Il est conseiller de prendre contact avec votre syndicat pour obtenir des conseils et un suivi voire un accompagnateur syndical qui préparera avec vous l’entretien à l’ONEM si vous choisissez cette option-là.
L’avantage du face à face à l’ONEM, accompagné syndicalement ou de quelqu’un qui vous défend bien, par rapport à l’envoi des preuves de recherche d’emploi par courrier est de pouvoir argumenter et se justifier si le contrôleur de l’ONEM a des questions.
Le rôle de l’accompagnateur syndical est aussi de présenter votre dossier en tenant compte de vos difficultés si vous en rencontrez, et ainsi faire jouer les éléments objectivement en votre faveur ainsi que le code de déontologie de l’ONEM. Le facilitateur de l’ONEM doit prendre en compte l’ensemble de votre situation ainsi que le niveau de chômage local, ou tout autre élément en votre faveur que vous ignorez plus que probablement et que vous ne penserez pas à faire valoir si vous répondez par écrit.
Il est conseillé de communiquer avec l’ONEM par recommandé (avec accusé de réception ou en déposant votre dossier contre signature d’une attestation de réception) surtout pour des dossiers aussi important que votre recherche d’emploi ou une justification de rendez-vous manqué à l’ONEM qui peut conduire à vous retrouver privé de chômage.
L’ONEM demande des preuves de recherche, pas de trouver un job
Vous devez démontrer une régularité dans votre recherche d’emploi, en conserver les preuves sur papier (toujours tout photocopier ; très important), avoir des preuves toutes les semaines, pas juste beaucoup de preuves pendant un mois mais rien les autres mois (parce que vous êtes passé en mode panique avant le contrôle de l’ONEM).
Bonnes pratiques :
- suivre une formation ;
- se rendre régulièrement dans les services de recherche d’emploi ;
- consulter les offres dans les journaux ou sur internet et postuler à un certain nombre par semaine ;
- chercher dans une zone géographique de 60km du domicile ;
- travailler occasionnellement en intérim ;
- travailler à temps partiel ;
- travailler à temps plein en CDD ;
Ces éléments sont tous positifs pour un évaluateur de votre recherche d’emploi mais ne sont pas une garantie d’évaluation positive. Même le taux de chômage très élevé de votre ville ou région ne vous vaudra aucune circonstance atténuante.
L’ONEM attend que vous soyez bureaucratiquement correct : que vous conserviez des documents qui montrent que vous avez envoyé des CV régulièrement, tous azimuts (la législation ne vous autorise pas à ne chercher que dans votre domaine de diplôme ou selon vos aspirations voire compétences).
Exemples :
- Si vous travaillez à temps partiel, l’ONEM vous encouragera à compléter votre horaire et continuera à vous demander de prouver que vous cherchez un équivalent temps plein. Il sera plus compréhensif si vous avez un horaire variable que si vous avez un horaire fixe, du fait que dans votre secteur ou entreprise, le temps partiel est majoritaire ou tiendra compte de votre mobilité : si vous n’avez pas de voiture pour rejoindre un second lieu de travail. A noter que le manque de garderie d’enfants n’est pas une excuse reconnue par l’ONEM pour ne par chercher un temps plein.
- Si le médecin de l’ONEM vous a reconnu inapte au travail à 33% ce ne sera qu’un élément parmi d’autres que l’ONEM prendra en compte, pourvu que vous puissiez argumenter sur ce que cela implique comme limitation pour vous (les 33% couvrent aussi bien des problèmes de santé que mentaux ou psycho-sociaux).
Non réponse ou non présentation : risque de sanction
L’ONEM est une machine administrative adoratrice du document papier et n’interagit d’abord avec vous que par courrier. Il est donc impératif de toujours répondre rapidement et dans les délais à un courrier de l’ONEM qui le demande sous peine de sanctions.
Vous avez un mois pour répondre à dater de la réception du courrier de l’ONEM. Ne traînez donc pas ! Sinon :
- En cas de retard, l’ONEM suspendra le paiement du chômage jusqu’à réception des preuves par courrier
- ou examen des preuves à l’ONEM en entretien.
Si vous choisissez l’option entretien à l’ONEM, l’ONEM vous convoque d’abord par lettre simple et l’entretien devrait avoir lieu dix jours au moins plus tard :
- Si vous manquez le rendez-vous à l’ONEM sans justifier votre absence un courrier recommandé cette fois vous est envoyé ;
- Si vous ne répondez toujours pas à ce courrier et n’allez pas au rendez-vous fixé, cette fois l’ONEM suspend le paiement de l’allocation d’insertion tant qu’elle n’a pas reçu et examiné les preuves de recherche d’emploi.
3e étape : Evaluation concluante ou non concluante
Si l’ONEM est satisfait, il communique une évaluation positive dite « concluante » au chômeur de deux manières:
- Par courrier si la procédure choisie est l’envoi du dossier de recherche d’emploi par courrier
- A l’issue de l’entretien en tête à tête à l’ONEM
Si l’ONEM remet au chômeur une décision négative sur son comportement de recherche d’emploi , il est automatiquement re-convoqué un mois après la décision négative pour être interrogé par une personne différente de celle qui a pris la décision négative.
Dans ce cas-ci, le chômeur peut uniquement être accompagné d’un avocat ou d’un accompagnateur syndical.
La nouvelle évaluation porte sur les 6 mois + le mois qui vient de s’écouler.
- Si l’évaluation est positive, le cycle de contrôle redémarre à la 2e étape avec le choix entre évaluation par courrier ou entretien à l’ONEM, au bout de 6 mois.
- Si l’évaluation est négative, c’est une exclusion de 6 mois du droit au chômage. Le jeune sanctionné devra attendre l’expiration de la sanction pour refaire une demande d’admission au droit via un contrôle de sa recherche d’emploi de la période sous sanction.
- Pour rappel, même les périodes de sanction et de non-paiement de l’allocation d’insertion comptent pour le calcul des 36 mois ou 3 ans qui conduisent à la fin de droit au chômage.
Contre une sanction notifiée, il ne faut pas tarder à réagir car le délai n’est que de 3 mois pour intenter un recours au tribunal du travail. Le service droit social de votre syndicat est là pour vous y aider.
Le but de cet article est de vous expliquer la procédure et comment s’y conformer, pour éviter de vous faire exclure. En aucun cas il ne s’agit de cautionner la chasse aux chômeurs.
Nouveau contrôle pour les jeunes qui sont demandeurs d’emploi à partir d’août 2013
La Ministre de l’Emploi, Monica de Coninck (sp.a) a soumis aux partenaires sociaux siégeant à l’ONEM un projet de modification du contrôle « dispo jeune » pour retarder le moment où le jeune touche sa première allocation d’insertion, en contrôlant le chercheur d’emploi pendant le stage d’insertion, soit pendant les 12 mois sans allocations de l’ONEM. L’objectif affiché est de réaliser une économie de 61,8 millions d’euros en évaluations négatives préprogrammées de l’ONEM à partir du 7e mois de stage d’insertion sans allocation.
La FGTB fédérale, qui siège au comité de gestion de l’ONEM (tout comme les autres syndicats et le patronat), a communiqué son avis défavorable. La FGTB wallonne comme la CSC dénoncent le contrôle dispo comme l’exclusion des allocations d’attente qui débute le 1er janvier 2015 par une première vague de 50.000 exclusions. Les « jeunes » exclus au bout de 3 ans échoueront au CPAS, probablement une bonne moitié d’entre eux, et cela ne constitue dès lors pas une « économie », ni même une mesure de bon sens, cela ne fait que reporter sur les CPAS des communes la charge financière qui incombe au fédéral. Les Jeunes CSC et FGTB se sont associés dans un communiqué qui fustige la mesure également. La CSC demande un moratoire sur la dégressivité couplé à un audit de l’activation, car aucune évaluation des politiques menées n’existe.
Depuis le début, la chasse aux chômeurs est dénoncée pour son inefficacité et le fait qu’elle transfert la charge financière de la Sécu fédérale aux CPAS qui ont des moyens financiers inégaux et refusent des chômeurs sanctionnés par l’ONEM pour des raisons illégales et purement économiques.
Corine Barella
Cet article est publié dans le numéro 79 du journal Ensemble du collectif Solidarité contre l’Exclusion
Source : note interne du service chômage fédéral de la FGTB
Sources d’information complémentaire:
Brochure des allocations familiales (ONAFTS) pour les jeunes
Feuille info de l’ONEM sur le contrôle dispo des bénéficiaires de l’allocation d’insertion
Syndicat Uniquement sur la réforme du contrôle dispo des jeunes qui seront DE à partir du 1/8/2013