Dégressivité : Le confinement de la pauvreté

En 2013, la dégressivité accrue de l’allocation de chômage, une demande pressante du patronat belge pour punir les chômeurs, avec carrière professionnelle, d’avoir été viré par un patron, m’a été appliquée.

C’est mathématique, quand il reste 10 euros par jour pour vivre, une fois les frais fixes payés (je paie mes factures avant tout), quand tout augmente, on n’a plus les moyens de rien. Plus de vie sociale, de networking, de ciné-resto, expo, théâtre, etc. Rien de rien.

A fortiori de se former pour « rebondir », quand en réalité, l’objectif de la dégressivité est d’acculer le chômeur (qui a travaillé et donc « mérité » ses allocations) à la banqueroute pour que survive le système de la sécurité sociale belge, une logique pensée par des gouvernants à la solde du patronat qui veulent permettre que la misère du chômeur conduise à une baisse des salaires, c’est un mécanisme connu en économie, et aussi, voire surtout, garantir une main-d’oeuvre docile , ou carrément conduire à une élimination « naturelle » par suicide du nombre de chômeurs ayant-droits.

En contrôlant le niveau de chômage, le patronat belge contrôle le niveau des salaires. Depuis la crise du coronavirus, tous les chômeurs temporaires ont découvert les affres des fins de mois très difficiles parce que le chômage belge est étudié pour ne pas suffir à couvrir les besoins réels de l’ex-travailleur salarié. En effet, il n’est pas tenu compte du niveau de vie préalable, ni des prêts et autres dépenses pour la santé ou pour les frais scolaires et toutes autres nécessités.

A quelque chose malheur est bon, les millions de Belges désormais au chômage temporaire ne diront plus que les chômeurs profitent parce qu’ils ont vécu eux-mêmes ce déclassement social qu’est le chômage où on tire le diable par la queue. L’horreur économique de ne pas avoir assez pour tout payer de sa vie d’avant et maintenir un niveau de vie suffisant voire comfortable est ainsi généralisé à une frange de la population qui, pour une part, s’enorgueillissait de n’avoir jamais connu le chômage.

L’idéologie du pauvre profiteur des largesses de l’Etat conduit à une honte qu’on ressent à aller quémander une aide à un organisme comme le CPAS, démarche très stigmatisante que beaucoup refuse de faire, de la chômeuse en allocation d’insertion en fin de droit au nouveau pauvre de la crise due à la covid-19, comme un indépendant, ou une chômeuse corona ex- travailleuse à temps partiel , et qui ont besoin de l’aide alimentaire autorisée par les CPAS.

Les CPAS ont reçu 55 millions supplémentaires du gouvernement fédéral pour l’aide aux bénéficiaires des CPAS, une aide découpée en 6 x 50 euros, mais ils sont obligés de pleurer dans les médias – qui ont bien collaboré à diffuser l’idée du chômeur profiteur-, afin d’informer les nouveaux appauvris que l’aide est là, à leur disposition mais qu’il faut oser venir la réclamer.

En même temps, les CPAS wallons s’attendent eux à compter pas moins de 25.000 bénéficiaires du revenu d’intégration, sans compter les demandeurs d’aide alimentaire qui eux souvent travaillent mais ne gagnent pas assez comme certains temps partiel dits essentiels comme les aides ménagères (RTBF/Matin Première 19/11/2020).

Les CPAS sont connus pour la longueur de la prise de décision, pas moins de 6 à 8 semaines pour une décision d’aide notamment, quand parfois on n’a rien d’autre ! Ainsi cette première prime qui durait six mois a mis longtemps à être payée, elle démarrait en juillet mais il a fallu attendre septembre pour voir le paiement régularisé, si on avait fait qu’un seul paiement de 300 euros, ça aurait été moins de travail pour les CPAS qui ont déjà à gérer un surcroît d’affluence avec peu de moyens humains supplémentaires.

Le ministre en charge alors, Denis Ducarme, a dû aller jusqu’à menacer les CPAS retardataires de mesures de rétorsion comme d’envoyer l’inspection pour qu’ils s’activent et finalisent les paiements.

L’accroissement de la pauvreté est une constante dans le royaume grâce à la volonté politique des gouvernements depuis le gouvernement Di Rupo, et encore renforcée par le gouvernement Michel.

« En 5 ans, il y a eu une augmentation de 35 % du nombre de personnes bénéficiant du minimex et une explosion des aides sociales complémentaires« , expliquait Alain Vassen, directeur général des CPAS wallons sur les antennes de la Première (RTBF 17/10/2019). « Tout cela explique des budgets dans le rouge depuis 4 à 5 ans. Le phénomène est surtout visible dans les grandes villes, là où se concentre les problèmes de pauvreté« . Les CPAS étaient au bord de la faillite en 2019 et doivent désormais faire face à un pic de demandes jamais égalé.

Le gouvernement fédéral belge d’Alexander de Croo a prévu d’octroyer 50 euros / mois supplémentaires aux bénéficiaires du Revenu d’intégration sociale des CPAS, mais les chômeurs en dégressivité au forfait qui vivent avec des montants similiaires, eux, n’ont rien reçu. Ce sont les grands oubliés des mesures corona, comme si l’inflation des prix dans les supermarchés aux profits records, ils ne la subissaient pas de plein fouet.

Une mesure que le patronat refusait d’avaliser – dans les négociations paritaires au sein du Groupe des 10 – le gel de la dégressivité des allocations de chômage pendant le confinement, a néanmoins été prise pendant le premier confinement par le gouvernement en affaire courante de Sophie Wilmès puis reprolongée.

Ca ne change rien à la privation qui était déjà là, surtout pour les chômeurs qui, comme moi, ont déjà atteint le niveau plancher de l’allocation de chômage, le montant au forfait, de 130 euros sous le seuil de pauvreté en 2020, dans mon cas (isolée). Au moment où la dégressivité de l’allocation m’a été appliquée je vivais avec une allocation à peine plus élevée que le seuil de pauvreté de l’époque. Le gouvernement Di Rupo m’a donc poussée à la banqueroute financière pour soi-disant m’inciter à retrouver un emploi. Tout le monde sait qu’on ne retire pas de l’argent à quelqu’un qu’on estime.

On retire de l’argent pour punir. A son gosse quand il s’est mal conduit, on retire l’argent de poche, ou des amendes à payer quand on commet des infractions. Personne ne peut croire que la mesure de la dégressivité est un incitant à l’emploi, c’est une descente aux enfers financière et sociale qui conduit à un confinement pour exclure socialement et définitivement le chômeur et garantir qu’il ne se relèvera jamais du chômage, qu’il sera donc un esclave prêt à être utilisé à toutes les sauces patronales.

Quand on est à ce point aux abois on accepte tout. Lynché dans l’opinion publique, privé de son honneur car on n’est plus qu’un paria, un profiteur, il ne reste qu’à courber l’échine pour survivre en restant de toute façon, ce salaud de pauvre que le gouvernement prendra pour cible à chaque nouvelle législature. Finalement on voudrait bien que notre confinement dans la pauvreté nous rende réellement invisible et qu’on nous laisse crever en paix, sans nous harceler avec le contrôle dispo qui ne sert à rien sinon à nous stresser à mort et à nous faire bien ressentir qu’on est sur un siège éjectable annuellement. Une vie d’insécurité d’existence est insupportable.

Le projet du gouvernement n’a jamais été de nous mettre à l’emploi, il n’y en a plus assez, le patronat s’y engage, mais bien de nous appauvrir drastiquement pour que les salaires suivent le même chemin. Quand on vit sous le seuil de pauvreté, le salaire à peine au-dessus, c’est byzance pas vrai! On ne fait pas la fine bouche quand on crève de faim, on plie et ne rompt point, jusqu’à quand car, disons-le la coupe est pleine … de rage!

Corine Barella

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